Antoine et Pierre sur leur C2. photo avec l'autorisation de François Berland

« Les Canaries c’est cartouche assuré ! La mer y est très formée. » Telles étaient les recommandations du milieu du nautisme à l’évocation du Championnat d’Europe de Formule 18 à Las Palmas de Gran Canaria. Les prévisions étaient claires : vent, vagues, chaleur et bonheur.
Samedi, à notre arrivée au container français pour monter notre bateau, la pluie et la fraicheur nous cueillent à froid. Y aurait-il erreur sur la commande ? On ne pensait pas si bien dire… Après deux jours consacrés à notre matériel et à celui des autres (nous avons été beaucoup sollicités pour le mesurage de matériels), nous avons pu gouter aux plaisirs de la navigation.
Lundi. A peine passé la digue faisant office de pare-vague et nous voilà dans le grand bain, ou plus exactement la marmite tellement les vagues se croisent et se chevauchent dans tous les sens. Le vent annoncé à 16-18 nœuds ne nous laisse que des échantillons de risées nous permettant à peine de sortir au double trapèze… Le décor est planté et nous sommes qu’au début d’une semaine qui s’avérera dans la même lignée que cet entrainement.
Mardi s’effectue la manche d’entraînement. Nous en garderons comme enseignement que la tactique sera compliquée et les opportunités de revenir réelles et multiples tellement les vagues et l’endroit du parcours rendent le vent particulièrement instable.
Mercredi, premier vrai départ et premières surprises : le comité ne compte pas fermer les yeux sur les départs anticipés. Les deux manches courues abattent déjà les espoirs des vice-champions du monde 2011, Misha Heenskerk et Bastiaan Tentij, qui se retrouvent dernier au classement général du jour après leur deux BFD. Bon nombre de Français ont été également pris dans le viseur du comité de course. Pour nous, la première journée est mitigée avec une très bonne place de 5e suivie d’une moins bonne de 15e.
Jeudi la flotte semble avoir retenu la leçon de la veille concernant les départs, les étraves des F18 ne titillent plus la ligne avec autant d’agressivité et nous en payons les frais en loupant nos deux départs par excès de frilosité. Cette journée se révèle être la moins bonne mais nous arrivons tout de même à limiter la casse en accrochant deux manches de 16e.
Vendredi nous arrivons motivés et plein d’envie mais hélas la météo l’était beaucoup moins… Résultat : une journée parking annulée faute de vent suffisant.
Samedi le plan d’eau de Las Palmas nous met à l’épreuve. Au menu : vent faible, clapot court croisé et grosse houle. La journée est éprouvante, non pas physiquement mais nerveusement. Les conditions de navigation sont d’une extrême exigence, la moindre faute de barre vous fait perdre trois longueurs de bateau, une mauvaise régulation vous sort illico d’un groupe de bateau. Le bord de près devient un duel contre les éléments ou l’erreur de conduite vous sanctionne immédiatement. Nous passons la journée à nous remettre en question : « sommes nous assez avancés ? Trop reculés ? Les voiles sont-elles trop bordées ? Le gréement manque-t-il de tension ? Sommes nous du bon côté du plan d’eau ? » Au final, nous réalisons notre meilleure journée en finissant 10e et 5e. Le seul point noir étant cette disqualification pour départ anticipé que nous nous sommes empressés de contester devant le jury. Malheureusement pour nous, ce dernier n’a pas accepté de prendre en considération les traces GPS où l’on nous voit pourtant très nettement en dessous de la ligne de départ. Ce soir là nous pointons à la 7e position.
Dimanche le vent se lève enfin et nous offre le droit de nous tendre au double trapèze, un exploit au vu des conditions de la semaine. La bataille pour le titre de champion d’Europe se joue sous nos yeux sans que nous puissions y prendre part directement. Cette dernière journée de régates nous assure une place dans le top 10 européen grâce à nos manches de 10e, 13e et 16e. Le classement général nous place donc à la 9e place à égalité de points avec le double médaillé olympique Mitch Booth.
Après notre très bon Mondial en Hongrie cet été où nous avions fini 7e et premier Français ce nouveau résultat nous pousse à persévérer dans la série pour accéder au rang supérieur de nos ainées. Le niveau de la délégation Française ne cesse de s’accroitre et nous avons l’immense chance de pouvoir nous entraîner avec les meilleurs d’entre eux sur un plan d’eau comme celui de l’ENVSM.
Bravo à tous les Français et particulièrement à Arnaud Jarlegan et Olivier Backes pour leur performance et leur sympathie.

texte: Pierre Le Clainche

Le beau Cirrus R des bretons dans les petits airs canariens. photo: RCNGC

Entre Victorien Erussard le barreur malouin et Fred Moreau  l’équipier morbihannais, le projet de participer à ce Championnat d’Europe F18 était un objectif important de fin de saison. Les deux compères font partie des habitués des rencontres internationales, la préparation porte autant sur le matériel, un beau Cirrus R avec une GV proto, commercialisée sans doute sous la marque All’Purpose (où exerce Fred) en 2012 que les épreuves de préparation comme le GP de l’Armistice mi-novembre. L’objectif sportif est le top 15 Européen.

Container pour le bateau, avion pour les régatiers, montage, essai, passage à la jauge, le premier jour de course arrive vite. Le plan d’eau est particulièrement difficile à lire, peu de vent, un clapot et de la houle qui n’autorisent que le  mode cap au près, chercher à relancer ne sert à rien.  Il faut prendre son mal en patience et encaisser le plus souplement, sur le caisson les bosses liquides qui sont autant d’obstacles. Cela va durer jusqu’au dernier jour.

Dans ces conditions éprouvantes, Vic & Fred font un début de régate bien au-delà de leur objectif initial: 3ème et 11ème. Ils ont trouvé un excellent mix entre audace contenue sur les départs, concentration pour faire marcher la barque et en même temps observation du plan d’eau. Les départs sont primordiaux, lancer les 180 kg du F18 quelques cm devant les copains c’est l’assurance d’un vent plus frais permettant d’affiner sa VMG et de contrôler la flotte. Les deux premiers de ce Championnat d’Europe étaient incontestablement les plus forts sur cette phase de lancement.

D’autant que le comité ne rendait pas les choses plus faciles durant les 4 premiers jours le côté avantagé sur la ligne suivait fidèlement le côté favorable du plan d’eau. Embouteillage garanti ! Rajouter des bateaux plus ou moins invisibles (rien à voir avec une peinture magique ;-) plutôt un des aspects inhérents aux régates internationales, voir le sport international), des n° pris pour des autres au-dessus de la ligne et vous avez tout les ingrédients pour une pratique nécessaire du zen.

Et le second jour est moins jubilatoire pour les bretons: 19 et 24ème, ils tombent 11ème, ils restent cependant dans les clous de leur target. Le 3ème jour est aussi stressant, faussement relax sur la plage en attendant le vent, cela n’a que l’apparence de vacances.

La quatrième journée commence au top pour Vic & Fred: une superbe 4ème place après une bataille intense, ça rigole.  La seconde procédure de départ est sous P: si l’on dépasse la ligne il suffit de la repasser pour être ok. Poussé (très normalement, c’est le jeu) au lof par Gurvan Bontemps qui est engagé, les bretons dans l’élan de l’auloffée franchissent la ligne dans la minute. Pas de panique, une petite marche arrière avec l’aide de la houle, les replacent au bon endroit pour le top départ. Malheureusement le comité ne  suit pas cette phase et la marge d’erreur du tracking GPS ne permettra pas de prouver leur position au top départ. Coup de massue sur la tête à l’arrivée: OCS. Assommés les bretons dans la foulée font une 3ème manche moyenne: 30ème, la pire du Championnat. Malgré leurs péripéties les bretons restent 11ème, en effet la fatigue, le stress et le manque de plaisir accablent la flotte.

La dernière journée est avec un peu plus de vent. Dans la dernière course, double trapèze au près petit trap sous spi et  même (luxe) du cunningham pour calmer la bête. Un superbe course de second pour commencer cette dernière journée, le moral  des bretons est bon, le plaisir de naviguer est (enfin) là. Une course de 19 et une de 13 permettent à Victorien et Fred de revenir dans le top 10 européen et 5ème équipage français. Belle perf. en haut de la fourchette des objectifs des bretons. Arithmétiquement, l’OCS pas très net coûte 4 places. Gasped.

Démontage, remise dans le container des F18 et des prix pour les coureurs, soirée entente cordiale franco/britannique, nuit courte, avion et retour en France avec des images plein la tête et des projets en construction. C’est loin la Californie ?

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