Même les meilleurs, ici François Gabart avec Mathieu Vandame, doivent dompter Le Catamaran de Sport. Photo extraite d'une très belle série de Jérémy Bidon: http://jeremybidon-photographie.tumblr.com/

Il était de bon ton pour certains pratiquants et techniciens des bateaux lents ou avec une coque en moins de remettre en question les qualités nécessaires pour les sportifs du catamaran et le niveau induit des compétitions. J’ai même entendu qu’il ne pouvait pas y avoir de niveau sur un Championnat d’Europe jeune car les français trustaient les premières places… Ces approches fausses sont dépassées, décalées par rapport à la réalité, à tel point qu’elles font aujourd’hui sourire pour peu que l’on considère quelques faits.

Le passage du dériveur au cata n’est pas l’assurance de médailles chez les jeunes, mais relève d’une nécessaire remise en cause préalable à un apprentissage spécifique.

Certes au début de la filière jeune en 2002/2003, certains jeunes de l’optimist on pu glâner une ligne de palmarès en faisant un Championnat de France Tyka. Mais ce parcours alternatif est devenu rapidement particulièrement escarpé. Aujourd’hui des tops guns de l’optimist qui basculent sur le SL15.5 doivent d’abord franchir la barrière de l’appréhension de la vitesse, du travail passionnant en équipage et de l’anticipation indispensable dès que l’on navigue à plus de 8 noeuds.

Certains y parviennent ! Je note cependant que c’est au sein de grosses écuries du catamaran de sport et qu’ils sont issus de famille avec un gros capital et vécu « bicoquesque ». Gérer la surpuissance, glisser sans se faire dépasser, cela  sans réduire la toile est une caractéristique que nous ne partageons pas avec les planches à voile ou l’habitable.

Les stars du large viennent au catamaran de sport pour briller mais  elles sont (très) bien accompagnées

Franck Cammas est vice-Champion du Monde 2009 F18 avec Jérémie Lagarrigue comme équipier. Une Volvo Round plus tard et 3 ans après  sur  Nacra 17 avec la très talentueuse et expérimentée lasériste Sophie de Turkheim, c’est encore la barrière de la gestion de la surpuissance (et aussi une blessure pour être juste  et démontrer aussi  que dans catamaran de sport, chaque mot compte) qui remet en avant la spécificité et la  grande technicité du catamaran de sport.

François Gabart, le héros du Vendée Globe est équipé par  Matthieu Vandame Champion du Monde F18 en titre pour faire son come-back en cata après un début de parcours en Tornado qui a surement aidé à gérer un 60 pieds autour du gros glaçon. Si l’on rajoute les moyens importants de ces écuries du large , ne pas être devant sur une compèt. de petits catas relèverait alors de l’ « accident industriel ».

En AC45 ou AC72 rien ne remplace l’expérience de la limite sur engins de plage, car le club de ceux qui régatent et finissent devant au-dessus 20 noeuds établis s’avère assez élitiste.

Force est de constater que les barreurs virtuoses en cata de sport se reconnaissent au fait qu’ils savent ne pas chuter (ou fort peu) dans les conditions extrêmes et donc évitent ainsi la casse matériel et physique. Au dessus 20 knot, on retrouve toujours les mêmes qui restent sur la ligne de départ et qui sont à l’arrivée, c’est le petit club des « hardsailors ». La démonstration de Billy Besson, Jérémie Lagarrigue lors de la dernière course folle à Carnac est révélatrice de cette hiérarchie implicite et néanmoins très forte.

Acquérir ce vécu du bord de la falaise demande du temps, du courage physique et des moyens :-) . Ici des supports rustiques mais exigeants comme le HC16 ou le Dart 18 constituent des outils  indispensables de cet apprentissage/révélation d’une capacité rare. Lors d’un journée ventée pour les AC45 à Naples c’est bien Ashby qui gérait ETNZ dans les descentes.

Si les catamaristes plongés dans une éclipse olympique ne sont pas sous les feux de la barre, ils constituent un des piliers forts de l’aventure d’une Coupe de l’America qui explore la régate à grande vitesse, celle du XXIème siècle. Chez les jeunes où la médaille lourde est plus rare c’est bien la filière catamaran jeune, particulièrement en France, qui alimente les équipages adeptes de la boisson énergétique.

En Nacra 17, les hollandais volants exploitent leur habitude de la brise et au niveau des français Billy Besson, Moana Vaireaux, Matthieu Vandame ont cassé quelques barres de liaison de petits catamarans bananés tout comme Audrey Ogereau et Manon Audinet issues directement de la filière jeune sur 2 coques.

Iker Martinez y arrivera sans doute mais ses débuts en Nacra 17 montrent que la marche est haute pour passer du skiff au catamaran de sport

Il faut d’abord saluer le courage de cette  icône du 1/2 bateau instable et surtoilé. Qu’un olympien, passé avec succès par le large, remette le couvert mérite le respect. D’autant que ce n’est pas facile, il suffit de regarder sa place même sur un rendez vous du circuit international B de l’Eurosaf à Medenblick. Un  Championnat d’Europe HC16 est féroce aussi et on a vu des médaillés d’or d’autres disciplines se contenter d’une place très honorable dans le top 20. Que ce soit en Classe A ou en Formule 18 (plus de 160 inscrits venus de 20 nations différentes pour le prochain opus mondial à Grosseto en juillet), se placer dans le top 20 relève objectivement d’une performance de sportif de haut niveau.

A ceux qui persistent à penser que régater sur une seule coque est le nec plus ultra, je ne peux que les inviter à venir rejoindre le catamaran circus et à confronter leur idée pré-conçue avec la dure réalité du cadre ou de la porte sous le vent entre 12 et 20 noeuds ;-)

Emeric ici avec Joris Cocaud des jeunes fans de la Formule 18. photo DR.

Ci-dessous le compte rendu d’Emeric Dary sur une épreuve particulièrement réussie à terre comme sur l’eau. Emeric est un jeune régatier Vendéens de 22 ans talentueux et expérimenté, vainqueur de l’Eurocat C3 en 2009,  Champion de France espoir en 2010, 3ème du  Championnat de France des Raids 2012, il demeure avant tout un grand fan de catamaran de sport qui s’éclate sur l’eau.

« Pour cette Coupe Nationale 2013, 36 équipages Formule 18 ont répondu présents à Brest.

Dix équipages de moins que l’édition précédente certes mais pas si mal,  compte tenu du contexte économique et du fait des plus pros retournant vers le nacra 17. La Formule 18 est dans une phase de transition qui la rend à son origine: une série fun et sportive pour amateurs éclairés. On retrouve cela sur le choix du matériel: à l’exception de deux Cirrus B1, un Diam et deux Nacra Infusion mk1, la flotte est concentrée sur des bateaux de nouvelle génération qui pour la plupart ont moins de deux ans et des dérives profondes.

Pour notre équipage, la Coupe Nationale, était la deuxième course de la saison, nous naviguons sur un nouveau Formule 18, le Shockwave mk2. Avec  peu d’heures de navigation à l’Eurocat, Brest est l’occasion de  préparer le  Championnat du Monde à Grosseto (ITA-Toscane, déjà 160 inscrits venant de 20 nations différentes) en juillet. Il s’agit de trouver les réglages pour aller aussi vite que les meilleurs. Dans cette entreprise j’ai la chance d’avoir un équipier expérimenté, David Fanouillère, Champion du Monde jeune  F18 en 2011 dont la rigueur et la méthodologie ont été précieuses, et aussi des partenaires avec un bateau identique :Benjamin Dutreux et Gatien Planson.

Un comité de course à l’écoute et une vie à terre active

Cette année la compétition était étalée sur 4 jours, du jeudi au dimanche. Le jeudi était très venté, des conditions proches du mardi de l’Eurocat qui ont poussé le Président du comité de course brestois M. Le Gouic à se montrer à l’écoute des représentants de la classe. Sage décision quand on connait les risques matériels et humains dans la grosse « cartouche ». La journée étant ensoleillée beaucoup en ont profité pour papoter, bricoler sur le parking ou encore participer à des cours théoriques avec le dernier vainqueur de la coupe nationale: Fred Moreau.

Le vendredi à proposé des conditions plus clémentes, 12 à 18 nœuds permettant au comité de course d’envoyer 4 manches, durant cette journée la tactique à joué un rôle très important : des gros coefficients de marée avec beaucoup de bascules à droite en se rapprochant du port .

Le soir après  une assemblée générale de la classe sérieuse et permettant aux présents de s’exprimer, nous avons eu un repas coureurs très sympa avec au menu un plat local appelé « kig ha farz ».

Des conditions idéales pour des navigations à grande vitesse

Le samedi nous a offert des conditions assez similaires à la veille, c’est à dire optimales pour faire du F18, même si on y aurait volontiers ajouté quelques degrés et des rayons de soleil ! Après 2 manches le comité de course envoie la flotte F18 vers celle du Grand Prix de l’Ecole Navale pour une course intitulée « speed crossing » un gros navire gris de la Marine devient comité le temps du départ et lance les F18 à toute allure vers le port de Brest. Quand on croise alors des quillards de sport on réalise a quel point la Formule 18 c’est magique. Nos collègues sur les monocoques ont du être un peu blasés de nous voir filer deux fois plus vite qu’eux la coque en l’air et nous suspendu au ras de l’eau!

Parcours de 15 miles nautiques, d’abord du près jusqu’à l’Île Ronde, puis du travers jusqu’au port de Brest, des séries d’empannage sous spi entre les cargos dans le port , du travers à nouveau et arrivée devant le port de plaisance. Si les courses longues distance ne sont pas au programme du Championnat du Monde, elles représentent une grosse partie de la pratique de notre sport et ici c’était le plein d’adrénaline et des bords d’anthologie.
Après ce raid, pas de relâche, tout le monde à l’apéro ! Aimablement offert par Direct Sailing Brest au bar mythique et chargé d’embruns que certains occupaient déjà depuis le début de la régate : « Le tour du monde ». Les plus fêtards y ont d’ailleurs passé une partie de leur nuit…

Le dimanche, les bateaux sont gréés sous une belle pluie Bretonne, le président nous a convoqué tôt et  de nouveau un parcours longue distance et une manche dans une bonne brise pour clôturer ce championnat physique, technique et conviviale. Merci aux membres du club l’USAM, dont une certaine Mme Riou, pour les crêpes à 1€ et les galettes complètes à 2€, naviguer ça creuse :-) .

Gurvan Bontemps et Benjamin Amiot survolent l’épreuve, « le coureur F18 se révèle un chic type plutôt délirant ! »

Au classement général Gurvan Bontemps et Benjamin Amiot , impressionnent tout au long du championnat, emportent haut la main le titre de Champion de France de Formule 18 attribué sur cette épreuve. Derrière le classement est beaucoup plus serré, « MAC » alias Pierre Yves Durand et Maxime Hainneville terminent second et premiers jeunes (- de 25 ans), à la 3ème place Romain et Valentin Bellet qui portaient les couleurs de Next World Energy Team équipiers de l’AC45 français.

A titre personnel j’ai vraiment apprécié de  participer à cette épreuve, un excellent niveau sur l’eau , une super convivialité à terre, l’organisation Brestoise de l’USAM a été à la hauteur, et le coureur F18  se révèle  un chic type plutôt délirant !

Une régate de préparation un peu gâchée par une drisse récalcitrante

Sportivement notre régate  a été un peu frustrante en terme de résultat car nous avons été handicapé sur les 3 jours par une mauvaise préparation de la drisse de spi, problème que nous n’avons pas su résoudre convenablement, malgré beaucoup d’efforts. Le  bilan reste globalement positif car au fil de la course nous avons progressé en vitesse, dans l’exécution de nos manœuvres et trouvé des réglages intéressants. Ce qui nous a le plus manqué sur ce championnat c’est la capacité à sortir la tête du bateau et observer la tactique, pour l’avoir, pas de secret, il faut de l’entraînement.

Cette nouvelle version du Shockwave nous permet de rivaliser sans complexe avec les meilleurs au près, et de descendre à toute allure au portant, les deux bateaux sont encore au stade de développement : nous naviguons avec des anciennes voiles et il nous reste encore des modifications à apporter au bateau. Nous sommes très optimistes pour la suite, maintenant il va falloir naviguer le plus possible jusqu’à Grosseto !

La F18 c’est énorme !

J’encourage tous ceux qui sont dans les séries jeunes à se battre pour intégrer la Formule 18, comme l’ont fait cette année les bretons Loïs et Hugo , les normands Antoine et Guillaume, les nordistes Hugues et Quentin, les Royannais Benjamin, Antoine, Guillaume, Charlie et Augustin, ou les frères sudistes Hublet.
Trouver des subventions, des partenaires, des mécènes, des bateaux performants, c’est une autre compétition, pas très facile pour des jeunes, mais le jeu en vaut la chandelle, la F18 c’est énorme ! »

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